lundi 12 mars 2012

L'Oiseau Canadèche



Tel le canard, Le Parloir renaît de ses cendres, avec pour seule justification qu'il ne faut jamais dire jamais.

Il m'est avis que Jim Dodge avait sifflé une lampée de trop de Vieux Râle de l'Agonie, le whisky distillé par Pépé Jake selon la précieuse recette délivrée par un Indien agonisant, lorsqu'il a écrit L'Oiseau Canadèche. Car il y a comme un point commun entre le mystérieux processus de fabrication du fantasque breuvage et l'élan implacable et jubilatoire avec lequel Dodge égrène les événements qui amenèrent à se rencontrer Jake, joueur invétéré et immortel, et Titou, son petit-fils jusqu'alors inconnu, désormais colosse amateur de clôtures.
Johnny II, alias Titou, est recueilli par son grand-père après la noyade de sa mère. Le vieil homme, dont le ranch est menacé de saisie parce qu'il n'a jamais payé ses impôts – alors qu'il a acheté « ce bordel d'endroit bien avant que les impôts n'existent » – voit dans l'arrivée de cet enfant la promesse inopinée d'un compagnon de pêche et de boisson comme d'une vie confortable, grâce à l'héritage du petit.
À coups de petites phrases anodinement lancées mais d'une fulgurance imparable, Dodge fait défiler les années de leur tranquille et excentrique cohabitation, dérangée seulement par les incartades de Cloué-Legroin, immense sanglier, possible réincarnation de Johnny Sept-Lunes, un vieil ami de Jake, et la découverte d'un caneton à demi-mort, ressuscité par la grâce d'une rasade de whisky et baptisé Canadèche. Devenus copains comme cochons, les trois comparses partagent une douce existence rythmée par l'érection des clôtures, la dégustation de Vieux Râle et les séances de cinéma en plein air.
Évocation drôlatique et vive, L'Oiseau Canadèche fait fi du temps comme de la raison, opposant à la bienséance romanesque un culot effronté et triomphal, une fantaisie de cane obèse et pétulante.
– Nous refusons absolument tout ce qui sort de l'ordinaire.
Jake explosa :
– Eh ben, ça doit vous faire une petite vie bien merdeuse et salement étroite, non ?

L'Oiseau Canadèche, Jim Dodge, éditions Cambourakis

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