« Gardez toujours bien en tête que vous n'êtes que des bouches inutiles et indésirées. Compris ? »
Durant la Seconde Guerre mondiale, au Japon, les pensionnaires d'une maison de correction sont évacués, suite à des bombardements. Leur fuite les conduit dans un petit village de montagne, après que bien des communautés aient refusé de les accueillir. Là, leur éducateur les laisse aux mains d'hommes qui leur sont résolument hostiles par principe : « On est des paysans, nous : on arrache les mauvais bourgeons dès le début. »
Brimades, soins réduits au strict minimum : hors les murs, les enfants sont toujours prisonniers. Et lorsqu'une épidémie se déclare, les villageois, non contents de leur faire enterrer les animaux morts, les abandonne ensuite en ces lieux contaminés et leur empêchent toute échappée.
Peu à peu, les jeunes garçons s'organisent et jettent les bases d'une véritable vie collective, jusqu'au retour des paysans. Ils font alors une fois de plus l'expérience de l'arbitraire du pouvoir et de la violence aveugle.
Kenzaburo Oê se penche sur le sort, au cœur de la guerre, des plus fragiles puisque déjà mis au ban. Pourtant menacés de toutes parts, ces enfants – considérés comme fatalement délinquants – parviennent, enfin libérés du joug des adultes, à recréer des liens et à restaurer la douceur. Cet écart est amplifié encore par la langue, ondoyante, sensuelle qui tranche de manière aiguë avec la cruauté ambiante.
« Au cours de la nuit, l'épidémie fit rage, manifestant sa puissance féroce, assommant et décimant sans pitié les enfants délaissés. L'aube était sombre, et la matinée et le midi qui suivirent étaient également sombres, étouffant le village de la vallée sous un brouillard souillé. (…) Le village, qui était plongé dans notre désespoir et notre inertie, dans un grouillement concentré de microbes, dans un ensemble gigantesque d'imperceptibles bactéries qui allaient nous pousser dans un état d'inconscience et une crise de délire propre à enflammer notre gorge, se dissolvait et bouillonnait comme la gélatine jaune pâle que l'on extrait des os et de la peau du bœuf. »
Arrachez les bourgeons, tirez sur les enfants saisit fugacement la fureur. Peut-être est-ce pour cela qu'il est si édifiant.
Arrachez les bourgeons, tirez sur les enfants de Kenzaburo Oê,
« L'Imaginaire », Gallimard
« L'Imaginaire », Gallimard
2 commentaires:
J'ai commencé à le lire dans l'avion!
Il faut que tu lises GEN D'HIROSHIMA absolument!!
ma'chan
Mon livre aura voyagé plus loin que je ne l'ai jamais fait, amusant.
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