dimanche 29 avril 2012

Dopututto Max 2



El Don Guillermo
Alessandro Tota

Les éditions Misma œuvrent depuis 2004 sans avoir jamais dérogé à leur ligne, espiègle et délurée, façonnant fanzines, livres et revues avec la même bande d'auteurs depuis leurs débuts, et se sont si bien installées dans le paysage qu'elles ont franchi le cap de la diffusion-distribution à l'automne 2011. Malgré cette poussée de professionnalisme et la mutation de leur revue Dopututto – changement de format, accroissement des récits, cahier couleur – la maison reste Misma, c'est-à-dire tout un univers à elle seule. Que ce soit les expositions, films promotionnels ou fêtes de lancement, chacun des projets entrepris porte la patte des éditions : une envie commune de s'amuser, une personnalité déjantée, un imaginaire en roue libre partagés par des dessinateurs qui sont aussi des amis. C'est sans doute cet amalgame de liens qui donne tout son sens à la revue Dopututto.

Dans ce deuxième opus de la nouvelle version, les passerelles entre les univers de chacun, déclinés bien souvent depuis des années, sont plus prégnantes encore. Ce n'est pas un hasard que la mythologie y soit souvent convoquée, en particulier chez Anne Simon qui l'utilise malicieusement et l'imbrique à son panthéon personnel. On n'est donc pas étonné de voir Claude Cadi la reprendre à son compte et multiplier les clins d'œil à ses camarades de jeu, comme il l'avait déjà fait dans le numéro précédent. Il livre cette fois-ci un road movie surprenant où Zeus, des jeunes femmes pas si éloignées des héroïnes de Thelma et Louise et Faster, Pussycat ! Kill ! Kill ! et des jumeaux se rencontrent en un chassé-croisé où flotte la poussière de l'Ouest américain. 
Autre ambiance, mais même travail sur le genre avec Alessandro Tota. Dans « Bat & Rob dessinateurs », il se débrouille tout à la fois pour évoquer l'Amérique fantasmée des années 30 et l'histoire de la bande dessinée dans un récit enfumé comme il se doit, aux dialogues bien troussés et personnages toujours aussi vivants.

Christelle Enault et Amandine Meyer forment elles aussi un duo. Chez ces deux auteures, l'atmosphère sucrée glisse inéluctablement vers la cruauté, avec d'autant plus de force que le propos entre en contraste violent avec leur ligne douce.
Au milieu d'elles, Sandrine Martin et Anne Simon jouent à saute-mouton. La première propose deux histoires dont l'écriture claire, plus simple qu'en d'autres de ses récits, permet de sensibles variations sur des épisodes de sa vie. 
Quant à la seconde, elle poursuit la saga des sœurs Gousse et Gigot. Le trait est toujours aussi souple et expressif, le projet enthousiasmant : chez Anne Simon, les personnages n'en finissent pas de se croiser, tressant d'un livre ou fragment à un autre un monde d'une grande richesse, narrative et visuelle. Je ne peux que vous inviter à lire La Geste d'Aglaé paru chez Misma en février dernier pour vous l'approprier un peu plus et vous saisir de ses personnages féminins subtils et piquants.
Le ton preste d'Anne renvoie avec bonheur aux loufoqueries d'El Don Guillermo, une enquête menée tambour battant et en collants par Salami, la présentatrice qui finit toujours seins nus, et Scooter, nouvelle icône de Misma.

Il vous reste, malgré mon laborieux rapport, encore bien d'autres auteurs à découvrir dans ce Dopututto max 2, rassurez-vous. Intéressez-vous en tous cas à ce projet collectif et aux manières des Misma, parce que l'édition indépendante c'est bien joli mais c'est avant tout des façons de penser les livres.

Dopututto Max 2, éditions Misma, avec Ed, Claude Cadi, Sandrine Martin, Singeon, Alessandro Tota, Amandine Meyer, Anne Simon, Christelle Enault, El Don Guillermo, Ronald, Delphine Panique, Takayo Akiyama, Amandine Ciosi, Marion Puech, Estocafich.

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